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Avant propos
On est parfois pris à son propre piège...
Une paroissienne de La Chapelle, la grand'mère Burson, me parlait de son mari, qui avait un art tout particulier de « tourner ses lettres » pendant sa captivité en Lituanie... Un jour, voilà qu'il me montre un petit poème de sa composition. C'est alors que je l'ai encouragé à écrire ses mémoires sur la vie à La Chapelle, comme un certain Julien Renard (1817-1887) l'avait fait au siècle précédent. Je lui ai servi de secrétaire, dactylographiant son manuscrit, le complétant à l'occasion. En ce qui concerne la vie paysanne : cordonnier et bistroquet au bourg, il disait peu de chose sur la campagne... J'entrepris de raconter mes souvenirs personnels, que j'illustrai avec les photos prises par Gabriel.
Ainsi, quand je commençai l'école, en 1922, il n'y avait pas de routes goudronnées : elles étaient empierrées, avec de nombreux « nids de poule » que le cantonnier remplissait de cailloux... pas d'électricité, ni téléphone, encore moins de service d'eau : on la prenait à une fontaine, un puits... ou comme à Dompierre au ruisseau... Les chemins de ferme étaient étroits, souvent remplis d'ornières : à Courcité, le père André, de la Gaillarderie, fut un des premiers fermiers à acheter une auto (une Renault au nez aplati) dans les années 1930 : pour la loger, il dut construire un garage au bord de la route, à 250 m de la ferme...
A la Mansonnière, le père Brizard laissait sa vielle carriole sous un hangar de paille aux Mézerettes, à 300 mètres. Les jours de marché, il fallait apporter, à bras, les paniers de beurre, d'oeufs, de volailles... et pareillement au retour pour les provisions et divers achats.
On accédait aux champs par nombre de petits chemins creux (les ruettes)... Très peu de bicyclettes : à la maison, le 1er vélo fut acheté vers 1925-26, pour les deux aînés, qui avaient 16 et 18 ans, d'ou occasions de chamailleries jusqu'à l'arrivée du 2ème vélocipède.
Une idée en amène une autre... Ayant attrapé par ailleurs le virus de la « généalogite », j'entrepris de glaner ici et là des renseignements sur la famille, pour transmettre aux neveux et nièces qui seraient curieux de connaître les racines familiales, et avoir une idée de la vie avant la guerre 1939/45...
Et voilà qu'un petit neveu, l'ami Jérôme, qui a mis son nez dans mon papier, entreprend de publier cela à l'intention de ceux de sa génération... Si cela peut faire plaisir...
A ses risques et périls...!
QUELQUES DATES
ANNEE |
EVENEMENT |
N° de page |
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1916 |
25/08 31/08 |
Naissance Baptème |
p.87 |
1919 |
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Photo de famille |
p.88 |
1922 |
02/05 03/12 |
Mariage d'Yvonne Leroy et
Louis Julienne Décès de papa |
p.95 p.11 |
1922 à 1928 |
Ecole primaire à Averton |
p.17 |
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1928 à 1930 |
Au latin, au presbytère de Courcité, avec M. Lhuissier (Classe
de VIème et Vème) |
p.21 |
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1930 à 1934 |
à l'Immaculée-Conception,
Laval (Classes de IVème à Ière) |
p.96 |
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1934 à
1937 |
Grand Séminaire à Saint Thuribe, Laval |
p.97 |
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1937 à 1940 |
A
l'armée: ·
Mont
Valérien (oct.37 - oct.38) ·
Parc
régional du Génie, aux Invalides (oct.38 - février 1940) ·
Zone
des armées (mars-juin 1940): dans la Marne, puis
près de Verdun, retour dans l'Aisne, et retraite jusqu'en Dordogne, en
attente de démobilisation (Thiviers, 1er Septembre). |
p.98 |
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1940 à 1943 |
Grand Séminaire (réfugié
aux Trappistines) |
p.100 à p.112 |
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1943 |
19/03 |
Ordination de 16 prêtres à
la cathédrale |
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20/03 |
1ère
messe, à St Pierre sur Orthe |
p.37 |
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Jusqu’à la fin de l'année
scolaire (juin), je célèbre la messe avec Besnard, au fond du jardin des
Trappistines, dans un petit oratoire (N.D. de La Salette), près du grand cèdre, en bordure du boulevard. |
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03/05 |
Messe solennelle à Courcité |
p.39 |
1943 à 1951 |
au collège St Michel, à Chateau-Gontier |
p.115 |
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1944 |
06/08 |
Libération
de Chateau-Gontier par les Américains (Dimanche
soir) |
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08/08 |
Passage de la Division
Leclerc (2ème D.B.) |
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1945 |
Janvier |
Grand
froid… mort et résurrection. |
p.117 |
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01/04 à 27/08 |
Rappelé
à l’armée, à Angers |
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10 mai |
Retour
de Gabriel |
p.41 |
1946 |
22/12 |
Mort
de maman, à Orsay, chez Edouard. |
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1951 à 1961 |
Curé de Hercé
et Vieuvy (I952) |
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1961 à 1973 |
Curé de Bouchamps
les Craon, et St Martin du Limet (1966) |
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1973 à 1997 |
Curé de La Chapelle au Riboul et Hardanges (1982) |
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Depuis 1997 |
Bouche-trou sur place (La
Chapelle n'est plus que l'un des 20 clochers de la paroisse nouvelle de St Fraimbault en Lassay) |
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1ere partie
Racines familiales
Mes grands-parents
Je n'ai pas connu mes grands-parents. Ils
étaient morts au début du siècle : du côté paternel en 1903 et 1911, du côté
maternel en 1900 et 1917.
Ils
jouissaient, pour l'époque, d'une certaine aisance, surtout du côté de ma mère.
Mes grands-parents Provost[1] étaient propriétaires de
plusieurs petites fermes : les Clossets, à St Germain
de Coulamer, où ils vivaient, une autre à St Aubin,
la Favrie, et une partie de Dompierre.
Ils étaient assez aisés pour envoyer leurs trois filles au Pensionnat de La
Chapelle au Riboul, entre 1885 et 1895, chose rare à l'époque. Ce qui me fait aussi supposer une
situation aisée, c'est la valeur des « cochelins »
(cadeaux) de mariage reçus par mes parents pour leurs noces. Un autre indice me
semble-t-il, ce sont les photos de la famille Provost,
qui garnissaient le manteau de la cheminée dans la grande pièce de Dompierre, servant de chambre à coucher, et de salle à
manger dans les grandes circonstances; au dessus du lit des parents, on voyait
les photos portrait des grands parents, ma grand'mère portant la coiffe
sarthoise.
La
famille Provost était très croyante, et du côté de
l'Eglise ! Un vieux prêtre, qui fut au début de son sacerdoce vicaire à St
Germain, l'abbé Besnaux (né à Petite Forge en St
Pierre/Orthe) m'a raconté que mon grand-père était
trésorier de la Fabrique, et qu'il avait en mains les finances paroissiales. Il
percevait lui-même les places de bancs, installé dans une petite guérit, près
de l'église. Le Père Besnaux, comme les autres
employés de l'église, recevait ses émoluments de la main du père Eugène Provost... Sur la fin de sa vie, mon grand-père ne manquait
pas une seule cérémonie de l'église, pas un salut du St Sacrement... Ma
grand'mère était aussi très pieuse. Un ancien de St Germain, qui l'avait bien
connue dans son enfance - habitant à 150 mètres des Clossets
- m'a dit, en 1987, que sur la fin de sa vie, la mère Léontine Provost ne pouvait plus se rendre à l'église; elle venait
jusqu'au calvaire élevé à la sortie du chemin, en disant son chapelet.
Du
côté de mon père, la famille Thomas était famille de meuniers depuis au moins
le début du XIXème siècle : en 1818,
Julien Thomas, mon grand-père trisaïeul, achetait le Moulin du Fay. Dans sa descendance, on trouve des Thomas meuniers à Averton (moulin du Parc), à Courcité
(moulin du Fay bien sûr, et au bas du bourg); à St
Pierre sur Orthe (la Beslière);
moulin d'Alcul à la limite d'Izé
et St Thomas... et surtout à Courceriers, où mon
grand-père Jean s'établit, après son mariage avec Perpétue Taillebois,
de Dompierre, soeur de ma grand-mère Provost. Il était le deuxième d'une famille de onze enfants
: 2 entrèrent en religion : Julien, trappiste à Entrammes,
sous le nom de Père Joseph, et sa soeur cadette Désirée, née à Laval, sous le
nom de Soeur Andrée. Un de leurs neveux, Victor, devait plus tard se faire
trappiste aussi à Entrammes, sous le nom de Père
Etienne.
Voici
quelques renseignements sur eux, communiqués par Entrammes[2].
Père
Joseph
Thomas
Julien, meunier, fils de Jean Thomas et de Marie Lechat,
né le 19 septembre 1843, à Courcité... entré au
monastère le 6 octobre 1863... Voeux solennels le 20 mars 1871... Parti cour la
fondation du Val des grâces, le 30 avril 1877... Envoyé plus tard à la Double,
Trappe d'Echourgnac (Dordogne, à l'ouest de
Périgueux), fondée par les moines d'Entrammes, en
1868 - actuellement, monastère de Trappistines (1999)... Mort au Port du Salut
le 7 juillet 1888.
Père
Etienne
Thomas
Victor, fils de Victor Thomas et dame Isidorine Melot, né le 8
décembre 1878, à Courcité... entré au monastère le 4
décembre 1897... Envoyé à Illens (Suisse) en mars
1902... Voeux solennels le 8 décembre 1902... Ordonné prêtre à Fribourg
(Suisse) le 22 juillet 1906... Revenu en 1907... 1er aumônier des
Trappistines... Mort le 15 juin 1910...
Mon
grand-père Jean eut lui-même huit enfants[3], dont deux moururent en
bas âge. La jeune, Léontine[4], à 24 ans allait rejoindre
sa tante au monastère de la Coudra, à Laval, en I906, sous le nom de soeur
Marie de la Croix ; elle y sera comptable et secrétaire de la Mère Abbesse
pendant une vingtaine d'années. Au dire du P.Hippolyte,
ancien aumônier du monastère... « Elle avait une tête organisée pour
se tirer de toutes sortes d'embarras financiers. Quand la tâche était
difficile, pénible pour le coeur, elle savait la résoudre merveilleusement,
assaisonnant le tout de quelques pointes d'originalité pour faire diversion et
réjouir sa bonne Supérieure... »
J'étais
prêtre depuis trois mois et terminant mon séminaire, (les Allemands occupant
les bâtiments du Grand Séminaire, nous étions réfugiés chez les Trappistines, à
l'intérieur de la clôture, de 1940 à, 44), quand la Révérende Mère Lutgarde m'invita à célébrer sa messe de sépulture, le 12
juin 1943.
Mon
grand-père Jean Thomas fut un temps maire de la commune de St Thomas, ce qui
indique qu'il jouissait de l'estime des habitants. Estime méritée, si on s'en
rapporte à ces confidences de la religieuse, consignées dans la notice
biographique rédigée au lendemain de sa mort et conservée au monastère, dont
j'extrais quelques lignes : « Le père et la mère de notre religieuse
brillaient par leur charité, autant que par leur esprit chrétien. Leur générosité
était connue dans le pays. Lorsqu'un mendiant venait frapper à leur porte, ce
n'était pas un morceau de pain qu'il recevait, mais un panier tout entier,
accompagné de bien d'autres provisions : la mère enjoignait alors à sa fille de
suivre le pauvre en portant le surplus de provisions dont il était trop chargé,
ce qui était pour notre future mère un grand exercice d'obéissance et de
confusion. Quand M. Thomas se rendait à Villaines, la
ville voisine, pour ses affaires, sa voiture était à la disposition de tous
ceux qui en avaient besoin. Le curé du bourg recourrait à lui dans tous ses
embarras : le brave homme était sa Providence, comme Mme Thomas l’était des
malheureux du pays... »
J’ai
entendu mon oncle Auguste, l’aîné de la famille, resté célibataire, raconter
l'activité du moulin de Courceriers, à la fin du
siècle dernier. Il y avait le « farinier »
qui travaillait au moulin, il y avait le « pochier »,
celui qui allait « à la poche » comme on disait : il livrait la
farine dans les villages et ramenait le blé à moudre; ce n'était pas de tout
repos de conduire de ferme en ferme les « chartées »
(voiturées) de sacs, par des chemins creux avec de profondes ornières : il
arrivait parfois que la charte s'enlisait dans la boue au passage des
ruisseaux, ou bien qu'elle versait dans des chemins trop étroits, surtout quand
le pochier en avait « un petit coup » dans
le nez... Pour les petites livraisons aux alentours, il y avait aussi au moulin
une bourrique qui comme de juste était têtue comme un âne. Que d'histoires
savoureuses l'oncle racontait sur ses démêlés avec Frosine...
Le personnel comprenait encore un domestique chargé du travail des champs.
Mes
grands parents avaient transmis à leurs enfants leur respect religieux pour le prêtre.
C'est ainsi que ma tante Louise, soeur de mon père, restée célibataire, tenait
un dépôt de pain au bourg de St Thomas; étant collégien, j'allais la voir aux
vacances, et elle me tutoyait normalement en m'appelant par mon prénom. Lors de
la première visite que je lui fis après mon entrée au grand Séminaire, par
respect pour la soutane, voila qu'elle, 57 ans, se met à me dire « vous »,
moi qui en avait 18 ! Devant, mes protestations, elle accepta de me
tutoyer, mais en ajoutant : « Toi, M. l'abbé ! »
La vie à Dompierre
J'ai
peu connu mon père, mort d'une hernie, à 51 ans, le trois décembre 1922.
J'avais 6 ans. Je vois encore ma mère toute habillée de noir, comme elle le
sera toute sa vie. Au début de son veuvage, pour aller aux offices, elle
s'enveloppait d'un grand crêpe noir passé sur son chapeau, selon la coutume.
La
mort de papa fut pour elle une dure épreuve : elle restait seule sur la ferme, avec
cinq garçons, dont l'aîné, Edouard avait 15 ans. Le cadet, Robert, 13 ans et
demie, qui était alors en pension à St Joseph d'Evron, rentra à la ferme, pour
s'occuper des bovins, tandis qu'Edouard prenait le fouet du roulier. Gabriel, lui
aussi, quittait la Pension, pour apprendre le latin au presbytère avec le
vicaire l'abbé Bouttier, en vue de devenir prêtre.
Dans
les premières années après la mort de papa, maman fut aidée par l'oncle Epron, pour le commerce des bestiaux et le travail des
champs, notamment pour la moisson. Il n'y eut pas d'ouvrier agricole loué à
l'année. Un frère de mon père, l'oncle Auguste, resté célibataire, vécut aussi
quelque temps chez nous…Quand les jeunes, André et moi, faisions des bêtises, de
sa grosse voix lente, il lançait après nous son juron favori : « ...Sacré
124 ! » ce qui ne nous effrayait guère.
A
cette époque, vers 1925, la cuisine était pavée avec de la chaux. Avec le
temps, celle-ci avait pris la couleur grise et la dureté du ciment. Il y avait
un endroit, en face de la porte, au coin de la table, où ce ciment se creusait,
force d'y passer. De temps en temps, il fallait remplir le trou avec du « coré »,
une argile consistante trouvée dans le grand Pré... Dans le coin de la pièce, près
de la fenêtre, était l'échelle pour monter au grenier, avec une trappe assez
large pour le passage du « venoué »[5]. Au long des années, la
fumée avait revêtu le plafond d'un beau vernis noir, aussi la pièce restait
sombre.
Toute
la cuisine se faisait dans la cheminée : dans la marmite pendue à la
crémaillère au-dessus de la flamme... sur la grille posée sur la braise entre
les « landiers » (chenets) pour cuire le boudin, les sardines salées
ou les pommes... ou encore sur un petit fourneau de fonte garni de braise bien
rouge... Le café chauffait au-devant du foyer dans des pots en terre cuite
émaillée : ils ne devaient pas coûter bien cher... mais il fallait souvent les
remplacer... un choc un peu rude, et la poignée se décollait, quand le pot
n'était pas cassé.
Pour
avoir toujours sous la main le bois pour faire une « rayée » de feu,
il y avait dans le coin près de la cheminée le « conaubois »
: c'était une espèce de caisse haute et sans fond, où l'on mettait un fagot
entier et une brassée d'âtelles. A côté de la
cheminée était accrochée la boite à sel. Un lit occupait le coin opposé ; il
était garni d'une paillasse et de deux couettes de plumes. A l'été, où l'on
faisait la collation en milieu d'après-midi, le repas du soir était réduit au
minimum : une grande soupière remplie de soupe aux haricots, préparée le midi
et conservée chaude, bien enveloppée dans un torchon entre les couettes du lit.
On appelait cela « la soupe couvée ». Pour le repas, on mettait la
soupière au milieu de la table, et chacun avec sa cuiller mangeait au même
plat... Ainsi, pas de vaisselle à faire.
Face
à la porte d'entrée, près de la porte de la « maison » (à la fois
chambre à coucher et salle à manger pour les grandes occasions) était
solidement boulonnée au sol l'écrémeuse. Entre la porte d'entrée et la fenêtre,
une petite table servait de débarras. Dessous se trouvait la seille, grand seau
de bois avec son « chouan » (grande louche de bois). Comme il n'y
avait ni fontaine ni puits, ma mère commençait la journée en remplissant la
seille au ruisseau : c'était la provision d'eau propre du jour pour la cuisine,
avant que l'eau ne soit « marouillée » par
les bestiaux.
A
l'hiver, il faisait nuit dès 5 h (on ne connaissait que l'heure solaire), et il
n'y avait pas l'électricité; elle ne sera installée qu'au début de la guerre
39-45. Mes frères s'arrangeaient d'ordinaire pour soigner les bestiaux à la
tombée du jour, pour n'être pas obligés de promener avec eux le falot dans
l'étable et l'écurie. On mangeait vers 6 h, autour de la chandelle ou de la
lampe Pigeon, quelquefois de la lampe à pétrole munie d'un pied, qui éclairait
mieux et moins au ras de la table. Puis c'était la veillée... Au coin du feu, Edouard
faisait des paniers et des « ruchots » (corbeille
de paille assemblée avec une bande de ronce), ma mère « raboinnait » les chaussettes trouées au talon par les « pilons »
(sabots de bois).
Souvent
aussi, chacun se plongeait dans la lecture des histoires et romans de « L'OUVRIER ». Il y en avait une collection à la maison,
héritée après la mort de tante Léontine, en 1925, soeur de maman, qui devait la
tenir elle-même de ses parents.
Puis
c'était la prière en famille. Ma mère y tenait beaucoup. Elle se tenait à
genoux sur sa chaise, face à la cheminée; nous les garçons, à genoux sur le
pavé, accoudés sur une chaise, regardant la flamme danser dans la cheminée… En
octobre et pendant le carême, chaque soir (sauf le dimanche), on commençait par
le chapelet, ma mère disant la première partie, nous répondant chacun sa
dizaine. Puis c'était la prière du soir, suivie elle-même, pendant le mois
d'octobre, des litanies de la Ste Vierge, en latin... Il y en avait pour un
quart d'heure ou vingt minutes. Ma mère, fatiguée de la journée s'asseyait et
s'assoupissait : les « Je vous salue Marie » mouraient sur ses
lèvres... Pour la réveiller, nous répondions (moi du moins !) des « Sainte
Marie Mère de Dieu »... énergiques et bien appuyés... d'une efficacité
éphémère.
A
l'été, les journées sont longues, chacun faisait sa prière individuellement,
matin et soir. Je crois que tous mes frères sont restés fidèles à la prière
quotidienne.
Autant
que j'en peux juger, à 80 ans de distance, d'après les réflexions de ma mère, la
famille Provost devait être « grande d'honneur »
comme on disait, acceptant mal ce qui semblait porter atteinte à l'image
chrétienne de la famille.
Le
frère de maman, l'oncle Eugène Provost, avait fait un
essai de vie religieuse chez les Capucins du Mans, et était venu en famille
portant le froc capucin. Les siens ressentirent comme une humiliation son
retour à la vie laïque : « Il avait défroqué ! »
La
rupture devint complète à la mort de grand'mère Léontine, en 19I7, lors du
partage de l'héritage. Etant le seul garçon, il voulut (?) dans sa part la
maison familiale des Clossets, à St Germain, « le
Quioussé » comme disait ma mère. C'est ainsi que
je n'ai fait la connaissance de ma marraine, l'épouse de cet oncle Provost, que pendant la 2ème Guerre Mondiale; par
l'intermédiaire de mon frère Robert : ayant acheté une petite Brouhot et un moteur à gazogène, il fut réquisitionné pour
assurer la saison des battages à St Pierre, et fut ainsi amené à rendre ce
service chez ma marraine, au Coudray en Vimarcé... et par la suite, nous avons renoué les liens
familiaux.
Le conaubois
Mes années d’école
Je
commençai l'école à six ans, à Averton, où le
directeur, M.Timothée Fortin, avait épousé ma grand'tante, Victorine Thomas[6], qui aurait pu être sa
mère (elle avait 40 ans et lui 20). Au début, je mangeais le midi à la table de
l'instituteur, ce qui m'évitait la fatigue du chemin... Cela ne dura pas
longtemps ! N'étant pas habitué à la cuisine plus relevée de la tante, je
faisais du nez sur ses plats : « J'aime pas ça ! ». Bien vite, je fus
prié de m'en aller manger à Dompierre... Tout le
temps de mon école à Averton, jusqu'au certificat, je
fis deux allers et retours à pied, journellement, sous le soleil ou la pluie.
Aux
beaux jours, j'allais à la traverse, par le Vieil Averton
et le Foulage. Au début, il n'y avait pas de pont sur le Merdereau
mais une simple passerelle de 1m. de large, avec une
main courante de chaque côté. Les charrettes attelées passaient la rivière à
gué, le conducteur monté sur le cheval de tête... Les jours de catéchisme, il
fallait faire vite : j'avais une heure pour revenir à la maison, dîner et
retourner à l'école. André me rouspétait souvent parce que je n'allais pas
assez vite... La dernière année, les jours de catéchisme, quand il y eut un
vélo à la maison, Edouard ou Robert me reconduisait, assis sur le cadre de la
bicyclette.
A
cette époque, l'année scolaire commençait le 1er octobre, pour se
terminer le 31 juillet. Après le certificat - fin juin - par les chaudes
après-midi, nous allions faire l'école dans le Parc, un herbage en pente raide
de la ferme du Pavillon, sous les grands chênes, près d'un petit ruisseau. On
emportait seulement le livre de lecture et l'ardoise pour faire un peu de
calcul. Souvent les chevaux du fermier, le père Gaucher, venaient voir ce qu'on
faisait là, dans leur domaine. Ces après-midi très appréciées étaient surtout
un temps de détente.
Je
me suis souvent demandé depuis d'où venait le grand bureau du maître dans le
coin de la grande classe. Montant du sol en évasant, avec une grande croix de
Malte sur le devant, on aurait dit un autel venant d'une église ou d'une
chapelle.
J'ai
peu de souvenirs particuliers de ces années d'école. Sans être un aigle, je
travaillais honnêtement. Cela valait mieux, car l'oncle Fortin n'était pas
particulièrement tendre avec les paresseux, il n'aurait pas hésité à faire une
visite à la maison si j'avais fait des bêtises... et cela je n'y tenais pas du
tout. Mon point faible, c'était le calcul, et surtout les fractions... Horreur !
Par contre, j'aimais l'histoire et la géographie; je passais souvent une partie
de mon jeudi à dessiner les cartes des fleuves ou des départements, que je
coloriais avec application.
Un
vendredi matin, le maître d'école nous demanda ce que nous avions fait le jeudi
(jour de congé à l'époque). Pour moi, je lui répondis tout bonnement comme on
disait à la maison : « J'ai ébogué des pois ! »
Ce qui me valut une réprimande : « Il faut dire : j'ai écossé des
haricots. »
Une
autre fois, pour le certificat, il nous faisait chanter : pour cela, il y
avait au fond de la classe un petit harmonium, où M.Fortin
s'installait, tandis que nous étions groupés autour... Comme par hasard,
j'étais juste à côté du maître. Il nous dit de chanter... je chante de tout mon
coeur... pas longtemps ! Une voix impérative m'interpelle : « Tais-toi !
Tu chantes faux ! » Il m'a fermé le bec pour de longues années. Il faudra
que je devienne curé de campagne pour apprendre et réussir... jusqu'à un certain
point..!
A
St Michel, les professeurs assuraient la grand’messe dominicale pour les
élèves. Quand c'était mon tour, j'étais dans mes petits souliers : il fallait
entonner les chants : pour le Gloria... le Credo... le Pater... ça allait à peu
près. Mais les confrères m'attendaient à « l'Ite missa est » final :
là, je m'embrouillais dans les ritournelles du grégorien... et tout confus, je
rentrais vite à la sacristie.
Devenu
curé de Hercé, Gabriel vint un jour assister à la
grand’messe... Au cours du repas, il me fait compliment d'avoir fait des
progrès dans le chant. Tout glorieux de
son appréciation de connaisseur, je réponds : « je pense à m'engager
à, l'Opéra ! »... Il répond : « Ah bon ! à
l'Opéra bouffe, ou à l'Opéra comique ? »...
Et voilà la baudruche dégonflée, mes
illusions évanouies...
Deux
souvenirs de ma dernière année à Averton. Un jour, on
vit les murs du bourg s'orner de grandes affiches annonçant le passage de la
« grande caravane Citroën ». Pour faire connaître et vendre sa
production, le constructeur envoyait parcourir le pays un groupe d'une
quinzaine de modèles d'autos : des torpédos, des camionnettes bâchées et la
fameuse « cinq chevaux ». Le jour du passage, nous eûmes droit à
quitter l'école pour admirer ces engins. Quelques fermiers achetèrent la
torpédo... M. Fortin un peu plus tard, achetait une Renault au nez aplati.
C'est
cette année 1928 que M. Fortin acheta un poste de T.S.F.
C'était une grosse boite avec des boutons et des bobines à orienter; le
haut-parleur était un grand pavillon rattaché au poste par un long fil. M.Fortin apportait le haut-parleur dans la classe, pendant
qu'il triturait dans son salon les manettes du poste. Ca grésillait beaucoup...
on ne comprenait pas grand chose, mais c'était nouveau..! Pour moi, ça valait
bien une leçon d'arithmétique.
L'électricité
En
1927, allant encore à l'école à Averton, je vis
installer la ligne conduisant l'électricité d'Averton
à Courcité. Les ouvriers creusaient les trous avec
une espèce de tarière pour y planter de hauts poteaux de bois. Puis ils
tendaient les trois fils conducteurs attachés sur des isolateurs de verre. Pour
grimper, ils se fixaient une grande griffe recourbée à chaque pied : sur le sol
cela les faisaient marcher comme des canards. En haut, ils s'attachaient à
l'aide d'une large ceinture de cuir autour des reins qui enserrait le poteau : ils
avaient ainsi les deux mains libres pour travailler. Sur les poteaux, étaient
fixées deux plaques métalliques. L'une indiquait l’année : 1927, l’autre avec
la mention : « Défense de toucher aux fils, même tombés à terre. »… Et
pour dissuader les gamins imprudents, à deux mètres du sol, un barbelé
enroulait le poteau sur une longueur d'un mètre.
A
l'époque, seuls les bourgs furent électrifiés. Dans les années suivantes, étant
au latin au presbytère de Courcité, M.Lhuissier m'envoya un jour aider l'ouvrier qui
électrifiait les lustres du choeur de l'église.
Il
faudra attendre quelques années pour établir les lignes amenant le courant dans
tous les villages du canton... et encore il était en avance sur bien d'autres !
A Dompierre, où aboutissaient deux lignes (de la Mansonnière et du Bois Fichard), André
fit faire l'installation au début de la guerre 39-45, lorsque le pétrole devint
rare.
La vie à la ferme
Etant
le jeune d'une famille de cinq garçons, ma mère m'habitua à « faire la
bonne » à la maison : nettoyer les chaussures, passer à la toile émeri les
pincettes, la poignée pour lever les marmites, le palet pour enlever les
cendres du foyer, faire briller avec du « naöl »
les objets de cuivre : la lampe Pigeon, les chandeliers, la boule de
cuivre des « landiers » (chenêts). J'étais
très fier quand ça brillait. Le dimanche matin, pendant que maman était à la 1ère
messe, je faisais le ménage : laver la vaisselle, balayer la cuisine, pendant
que mes frères soignaient les animaux et balayaient la cour, si le temps avait
manqué pour le faire le samedi après-midi.
Je
prenais aussi le temps de jouer... A la maison pas question d'acheter des
jouets : à l'époque ce n'était pas encore une industrie et dans les campagnes, on
n'avait point d'argent pour cela. Le plus souvent l'essentiel du jeu, c'était
de fabriquer nous-mêmes nos jouets : des sifflets, en décollant l'écorce d'une
petite branche de saule, d'aulne ou de « coudrier » (noisetier) en la
martelant avec le manche d'un couteau... des camions -formés d'une vieille
boite à graisse noire (de la mécanique) avec pour roues des bobines de fil de
machine à coudre... Avec André, on se bâtissait des « fermes » sur le
bord du ruisseau. Il y avait aussi les moulins qu'on installait en barrant
l'eau avec une planche... ou bien je jouais -tout seul- à la guerre, me
fabriquant des armes, comme au Moyen Age : un bouclier, une épée, un arc avec
des flèches, le tout en bois bien sûr...
Pendant
les grandes vacances, nous avions mission aussi de « raquer » l'herbe
des allées du jardin, infestées de chiendent... Ce travail ne nous passionnait
guère, et nous étions souvent revenus à nos fermes. Quand ma mère nous
apercevait, elle nous renvoyait au jardin... jusqu'à ce qu'elle soit rentrée à
la maison...
Plus
grands (vers 12-14 ans), il fallait aider à la basse-cour : donner le grain aux
volailles, ramasser les oeufs, surtout soigner les lapins... Ce qui était moins
intéressant, c'était d'enlever le fumier des lapins, ou pire encore les crottes
de poule dans le poulailler. Au cours des grandes vacances, on allait « serrer
des choux » pour les lapins; quand le champ n'était pas trop éloigné, on
ramenait sur le dos un paquet de grandes feuilles liées avec une longe, ou bien
on prenait la brouette pour ramener un chargement plus important. A l'automne, pour
conserver plus longtemps les poires et les pommes à couteau, à défaut de
fruitier, on les égaillait sur le tas de blé ou d'orge étendu dans le « planchais »
après les battages.
Le
facteur et l'épicier.
Le
facteur s'appelait le père Bréteau. Il faisait sa
tournée à pied. Au début de l'après-midi, il arrivait au village, sac au dos,
avec sa canne et son petit chien « Bas-blanc »
sur les talons. Le père Bréteau n'aimait pas qu'on
soit abonné à un quotidien, ce qui l'obligeait à passer tous les jours. Quand
il avait un peu trop bu, il était de mauvaise humeur.
Dans
sa tournée, il se faisait aider par le père Vilain. C'était un vieil épicier
qui passait dans les villages, avec sa carriole normande bâchée de vert sur des
arceaux. Il vendait du café, du sucre, du sel, des sardines, des harengs
salés... En arrivant, il saluait immuablement : « Bonjour ! Ca va-t-y
? ». Au départ, il s'adressait à sa vieille jument blanche :
« Hi!du ! ... » et la Coquette
repartait de son train de sénateur… C'était le père Savaty…
Chaque jour, il faisait une route différente de la commune, distribuant le
courrier, et rapportant les lettres à poster, qu'il coinçait sous les arceaux
de sa bâche. Il épargnait ainsi les chaussures du père Bréteau,
car c'est bien connu : un kilomètre à pied ça use...
La
boulangère.
Après
la mort de papa, en décembre I922, il fallut avoir recours au boulanger pour
avoir du pain. On le prenait à Averton, chez M.Péan. Il faisait le portage à domicile, passant deux fois
la semaine pour livrer de gros pains de douze livres… Péan buvait beaucoup....
Bientôt, sa femme fut obligée de se mettre au volant de la « Mina » :
c'est ainsi que le boulanger avait baptisé la torpédo qui lui servait à faire ses
tournées. En passant chez nous, la boulangère, sans descendre de l'auto,
faisait parfois de longues stations, racontant ses misères à ma mère, qui avait
sa confiance, lui disant comment elle était parfois obligée d'aller coucher
avec ses enfants chez son frère à la ferme du Pavillon, à 50 m. de la
boulangerie.
Comme
on pratiquait « l'échange » (fournissant la farine en échange du pain
: tant de kilos de pain par sac de farine), on marquait le nombre de pains
fournis, en faisant une entaille par pain sur une baguette de bois.
Le
bourrelier.
Il
s'appelait Guillochon, mais on disait le « père Lochon ». Chaque année il venait une journée ou deux à
la ferme pour entretenir les « équipages » (harnais) des chevaux. On
lui installait, en guise d'établi la grande table de la « mékenique[7] »
(machine à battre); il étalait dessus son matériel. Je le regardais avec
intérêt, tenant entre ses genoux une grande pince de bois, qui lui servait à
immobiliser les morceaux de cuir qu'il cousait ensemble : il avait ainsi les
deux mains libres, pour enfoncer ses grosses aiguilles enfilées de ligneul,
qu'il croisait dans le trou fait avec une alène.
Pour
éviter d'écorcher le cou du cheval, il fallait parfois refaire le coussin de
crin du collier : après avoir cardé le crin, le bourrelier le replaçait sous
une grosse toile solidement fixée à l'armature de bois du collier; avec un coup
de peinture bleue à filets rouges, le collier paraissait tout neuf.
L'étalonnier.
Avec
l'âge, les chevaux perdaient de la force... Disons d'abord que dans la majorité
des fermes on utilisait presqu'uniquement des
juments… peut-être plus faciles à dresser au travail, surtout pour assurer le
remplacement des générations... et la vente des poulains apportait un
supplément de trésorerie non négligeable.
Pour
cela, au printemps de chaque année, le maître étalonnier
envoyait ses employés, qui passaient dans les fermes conduisant un étalon pour
la saillie des juments... A Dompierre, les deux
fermes étaient clientes du même maître étalonnier, M.
Gohier, de Soulgé le Ganelon... Ses divers étalonniers partaient le lundi pour une tournée qui durait
la semaine entière. Chez nous, il passait tous les quinze jours, le mercredi
dans la soirée. Habituellement, il faisait étape au village. Nous avions à
loger le cheval et son conducteur, qui prenait le repas du soir chez les
voisins.
A la chapelle du Chêne
Après
la 1ère guerre mondiale (et sans doute avant) les paroisses à 20 Kms
à la ronde venaient en pèlerinage à Notre Dame du Chêne, au cours du mois de
mai[8].
Chaque
paroisse avait son jour de rendez-vous, de préférence le jeudi (jour de congé
pour les écoliers). La messe était célébrée par son curé... à 7h, 8h, 9h, toujours
avec la présence du curé de St Martin de Connée, chapelain
du lieu. J’ai ainsi connu M.Chantepie (ancien curé de
St Germain de Coulamer, qui deviendra curé de N.D. des Cordeliers à Laval), puis l’abbé Ledaim, précédemment curé d'Averton,
où j'ai été son enfant de choeur.
On
partait de Dompierre en carriole, maman assise à côté
du conducteur, Edouard ou Robert, avec une grosse couverture sur les genoux
pour garder de la fraîcheur matinale (la carriole n'étant pas à l'époque munie
d'une capote), André et moi derrière sur une banquette, sous laquelle étaient
glissés le panier pour le casse-croûte, et une botte de fourrage pour le
cheval.
En
passant devant la croix dressée à la sortie du chemin, maman n'oubliait jamais
de faire son signe de croix, sans doute pour obtenir la protection du ciel pour
le voyage...
Après
le bourg, sur la route de St Pierre, on trouvait nombre de carrioles prenant la
même direction... Les chevaux étaient plus nerveux les uns que les autres. La
« Dina » (c'était le nom de notre jument)
n'était pas des plus rapides, et se contentait de trotter honnêtement... les
carrioles des autres pèlerins nous doublaient assez régulièrement, ce qui me
vexait... J'essayais d'activer l'allure, en tapant des pieds le fond de la
carriole; la jument dressait un peu les oreilles... et continuait son bonhomme
de chemin, tandis que je me faisais rappeler à l'ordre : « As-tu fini ! »
Arrivés
à la chapelle du Chêne, Edouard rentrait la jument, avec sa botte de foin, à
l'écurie du café. (Il y en avait trois à l'époque).
Notre
curé, M.Lhuissier célébrait la messe devant une
assistance qui remplissait le sanctuaire, qui résonnait du chant de la foule :
C'est le mois de Marie, c'est le mois le plus beau,
A la Vierge chérie disons un chant nouveau.
Ou
bien
J'irai la voir un jour au ciel dans ma patrie,
Oui, j'irai voir Marie, ma joie et mon amour:
Au ciel, au ciel, au ciel j'irai la voir un jour.
Ou
encore:
Laudate, laudate,
laudate Mariam (bis)...
Notre
messe terminée, on cédait la place à une autre paroisse... Avant de prendre le
chemin du retour, on allait au café; chaque famille apportait ses provisions et
s'installait à une table pour casser la croûte; les personnes qui avaient
communié étant à jeun, (et les autres) avaient besoin de reprendre des forces. L'aubergiste
fournissant seulement la boisson... et le café.
Mon premier voyage à Laval
A
12 ans, j’accompagnai ma mère, pour assister à la distribution des prix au
collège de l'Immaculée-Conception, où Gabriel venait
d'obtenir la 1ère partie du baccalauréat[9].
C'était
toute une expédition... Il fallait se lever tôt pour aller au bourg, à pied
bien sûr, prendre l'autobus des T.E.D. (Transports
Économiques Départementaux), qui nous emmenait à Evron. De là le train nous
conduisit à Laval. Puis on descendit jusqu'au collège pour la séance solennelle
des prix, présidée par l'évêque. (Depuis la Séparation de l'Eglise et de
l'Etat, en 1906, une division du collège faisait fonction de Petit Séminaire).
Il
y eut d'abord un long discours par une personnalité. Puis ce fut la lecture du
palmarès, depuis la division des Minimes jusqu'à la classe de Philosophie...
Fastidieux ! De temps en temps, la musique instrumentale jouait un morceau pour
réveiller l'attention... Les meilleurs élèves étaient conduits par le Père
Supérieur jusqu'à leur famille qui avait l'honneur de les couronner, au milieu
des applaudissements.
La
cérémonie terminée, on se rendit, à pied toujours, à l'autre bout de la ville, aux
Trappistines voir la soeur de mon père, Léontine, Sr
Marie de la Croix... et nous restaurer... Je vois encore le parloir, avec sa
double grille doublée d'un rideau fermant à clé. On attendait assis devant la
grille... Soudain, on entendit une porte s'ouvrir, puis une voix : « Benedicamus Domino ! »... on répondit, pieusement (?) :
« Deo gratias ! »... un bruit de clé, et le
rideau s'ouvrit, permettant d'entrevoir, au travers de la double grille, le
visage de ma tante avec ses grosses lunettes de myope[10]... Dans le mur, à côté de
la grille, était le « tour » : c'était un cylindre de bois creux,
grand à peu près comme un bidon de cent litres. Incrusté debout dans le mur, on
le faisait tourner sur lui-même avec la main : on pouvait ainsi faire passer
d'une pièce à l'autre divers objets, sans jamais voir ni toucher la personne de
l'autre côté... Comme à chaque fois, on eut la visite de la Révérende Mère Lutgarde, qui venait saluer la famille de sa secrétaire.
Mainte
fois, j’eus l'occasion de cette rencontre. Pendant mes années de collège à
l'Immaculée (I930-34), aux vacances, nous étions libres en fin de matinée; et
je devais attendre le milieu de l'après-midi un train ou un car, qui me ramène
à la maison. J'occupais ma journée, en allant aux Trappistines voir ma tante...
et me restaurer. Le repas était servi dans une petite pièce, à l'angle de la
cour d'entrée; elle devait communiquer avec la cuisine. Quand j'arrivais, la
soeur tourière, Soeur Véronique, ou son adjointe, Soeur Angèle, alors jeune
religieuse (elle est décédée en octobre I998, à 92 ans) me conduisait dans
cette pièce, elle tirait sur un cordon correspondant avec l'intérieur... la
cuisinière déposait le plateau dans le « tour » et le faisait
tourner... Je n'ai jamais vu le visage de la soeur qui servait le repas.
Depuis, le concile est passé par là, réalisant « l'aggiornamento »
demandé par le pape Jean XXIII... C'est ainsi qu'en janvier 1998, à l'occasion
du IXème centenaire de la fondation de
l'Ordre de Liteaux par Robert de Molesmes, j'ai
assisté à une « Journée Portes Ouvertes » du monastère. Après la
messe, concélébrée avec les moines d'Entrammes et une
centaine de prêtres, nous avons partagé le repas (de fête) des religieuses. A
table j'avais en face de moi, le Père Chérubin, ancien curé d'Ernée, encadré
d'un trappiste et d'une trappistine... Impensable, il y a 60 ans!
Lors
d'une sortie mensuelle de faveur (je la passais habituellement au collège), le
Père Antoine, l’aumônier du monastère, vint me chercher pour passer la journée
aux Trappistines... En dehors de l'avantage de me sortir du collège, la journée
fut assez longue, entre le repas, le parloir avec la tante et une visite dans le
bureau du Père Antoine, qui prisait beaucoup.
Pendant
la guerre, de 1940 à 1945, je fus à même de découvrir le cadre de vie des
religieuses, au cours de mes 3 dernières années de Séminaire, vécues à
l'intérieur de la clôture, après qu'une porte eut été ouverte dans le haut mur
qui entourait la propriété : les Allemands occupant le grand Séminaire, Mgr Richaud avait obtenu de Rome l'autorisation de nous
installer à l'intérieur du monastère.
Ma première messe
Une
de mes grandes joies...
C'était
la guerre, avec ses restrictions de plus en plus sévères. Après l'échec de
Stalingrad qui amorçait le tournant de la guerre, Hitler établissait dans les
pays occupés le STO (Service du Travail Obligatoire) : les jeunes en âge de
service militaire étaient requis pour aller travailler en Allemagne dans les
usines d'armement, ou sur les côtes de France pour édifier le « Mur de
l'Atlantique », une ligne de blockhaus, destinés à empêcher un éventuel
débarquement des Alliés... Plusieurs séminaristes étant susceptibles de partir,
Mgr Richaud décida d'avancer l'ordination des prêtres
au 19 mars, au lieu de la date habituelle du 29 juin : ils pourraient ainsi
éventuellement servir d'aumôniers aux requis du travail... (Personnellement, je
n'étais pas dans le cas de partir, ayant fait mon service avant la guerre). Nous
fûmes 16 prêtres ordonnés.
Depuis
2 ans, ma mère, atteinte de rhumatismes déformants, était clouée dans son
fauteuil d'osier, hébergée un an, alternativement à Dompierre
et la Coutelle; en 1943, c’était la Coutelle[11]. Je demandai à Robert
s'il serait possible d'amener maman à l'église, et alors j'irai célébrer ma
toute première messe à Saint Pierre. Il n'était pas question de monter maman dans
une carriole... Robert demanda à M.Drou, maire de St
Pierre, s'il pouvait, la conduire avec son auto (en tant que maire, il avait
droit à des bons d'essence), ce qu'il accepta bien volontiers.
Et
le 20 mars au matin (c'était un samedi), je célébrai ma première messe, assisté
du curé, M.Boisnard, à l'église de St Pierre. Je vois
encore ma mère dans un fauteuil, dans l'allée, au pied de la table de
communion. Et par une délicate attention du pasteur, je faisais faire leur
première communion à mon filleul Michel et sa soeur Marie-Thérèse... A ma
grande surprise, il y avait bien une soixantaine d'assistants : les filles de
l'école libre, et un certain nombre d'adultes; le curé avait du faire une
annonce en ce sens.
Pour
compléter la fête, M.Boisnard fut invité à partager
le repas familial à la Coutelle... En ces temps de
restrictions, il n'était pas question de faire bombance, mais ma belle-soeur, aidée
de la tante Angèle, nous prépara, avec les produits de la ferme, ce qui me
parut un festin de Balthazar, en comparaison du menu habituel du séminaire, où
tout était rationné, à commencer par le pain... mais pas les topinambours !
Malgré
l'absence des prisonniers, c’est un de mes meilleurs souvenirs... Le soir, je
demandai à maman : « Tu dois être contente de ta journée..? »
Elle me fit cette réponse, que je n'ai jamais oubliée : « C'est une
journée de paradis ! »... Elle qui était tant privée de la messe, ce
fut la dernière à laquelle elle devait assister de son vivant.
Ma première messe
solennelle
C'était
le 3 mai 1943, dimanche de Quasimodo, à Courcité. J'étais
assisté du père Louis Perrin comme diacre et de l'abbé André comme sous-diacre.
Le curé de Courcité, l'abbé Broussin était à mon
côté, portant la chappe; sermon par le père Charles
Perrin, ancien professeur au Grand Séminaire... Je n'ai pas de souvenir bien
particulier de l'office, sinon que l'église avait été décorée par les
demoiselles Foubert, de l'école libre[12]... Le repas de famille
fut servi dans les classes de l'école, libérée de leurs tables pour la
circonstance... Un détail m'est resté : au moment de s'en aller, plusieurs
demandaient à emporter... un morceau de pain ! Pour l'occasion, le boulanger
avait cuit une fournée de pain blanc particulièrement savoureux; on aurait cru
manger du gâteau ! Il parait que les jours suivants, le pain fut plus gris qu'à
l'ordinaire...
Il
y a quelqu'un qui garda longtemps souvenir de la journée : c'est mon frère
Robert. Il avait amené de St Pierre sa famille à la fête avec sa carriole. Le
curé de Méral, l'abbé Bouttier,
maître de latin de Gabriel était invité... Mais il lui fallait être de retour à
Méral le lendemain matin, pour un mariage. Pour être
sûr de ne pas manquer son train le lendemain matin, l'abbé Perrin, curé de Voutré lui offrit de l'héberger le dimanche soir, ainsi il
serait près de la gare... Mais Courcité n'est pas à
côté de Voutré ! Robert s'offrit à véhiculer l'abbé Bouttier, avec sa carriole toujours. Pour ce 2ème
voyage imprévu, en fin de journée, il changea de monture en passant à la Coutelle, attelant une jument qui n'avait jamais été mise
sur la carriole... Arrivé sans encombre à Voutré, il
repartait vers 10 h du soir, sans chandelle, par une nuit bien noire... Dans
l'allée de Foulletorte, bordée de grands arbres, voilà
que la jument s'immobilise soudain. Que se passe-t-il ? Ne voyant absolument
rien, Robert descend de la carriole, et, tâtonnant, s'en va à la tête de la
bête. Elle avait quitté la route, et se trouvait devant la barrière d'un champ...
Remise dans le droit chemin, l'équipage arrivait à rejoindre la Coutelle sur les 2 heures du matin... Pendant que ma belle-soeur,
qui avait attendu... attendu... avait fini par se mettre au lit et dormait
profondément... Enfin, Robert put prendre un repos
bien mérité...
Le retour de Gabriel
C'est
une autre date dont je garde un souvenir bien vivant. Le territoire français
est libéré depuis 6 mois, l’armistice est signé avec l'Allemagne depuis 2 jours,
mais la guerre continue en Extrême-Orient (elle ne finira qu'en août, avec les
bombes d’Hiroshima et Nagasaki)[13]... Les prisonniers de
guerre sont libérés à mesure de l'avance des armées alliées en Allemagne. Il
n'y a encore que peu de trains à circuler, après les destructions de l'été 1944,
qui avait vu couper les viaducs de Laval et Mayenne, le matériel ferroviaire en
grande partie détruit ou emmené en Allemagne. La vie reprend son cours en
France.
Ce
10 mai, à St Pierre sur Orthe, Michel fait sa
Communion solennelle (on ne parle pas encore de Profession de foi). La veille
est arrivé un télégramme annonçant le retour de Gabriel.
Après
l'office du soir, Robert s'en va à Sillé avec sa carriole pour arrêter Gabriel
au passage du train, et lui faire reprendre un 1er contact avec la
famille, à la Coutelle... A la gare, il longe le train
des rapatriés, espérant apercevoir le prisonnier... Déception ! partagée par tous à son retour, quand il revient seul.
Le
lendemain, André m'emmène avec lui, en carriole toujours, attendre à Villaines l'arrivée du car de Laval... Toujours pas de
Gabriel. Déçus, nous rentrons à Dompierre...
A
peine arrivé, voilà que le prisonnier, avec ses galons
de lieutenant, descend tranquillement le chemin… et nous explique. Il était
bien dans le train, où on l'attendait à Sillé... mais en qu'officier, il
voyageait en première classe, en tête du train, et Robert n'avait pas poussé
jusque-là ses investigations… Par ailleurs, les commerçants du département
venant au ravitaillement à Laval, étaient invités par la Préfecture, à passer à
la gare, pour éventuellement prendre en charge les rapatriés de leur coin. C'est
ainsi que Gabriel fut ramené jusqu'à place par un commerçant de Villaines, M .Vallée.
...Et comme de juste, dans les semaines qui suivirent chaque foyer fêtait le retour de son prisonnier par un repas de famille.
[Edouard,
prisonnier au stalag X B[14], à Sandbostel
(ouest de Hambourg) sera libéré le 18 mai 1945, rentré an France le 29, et
démobilisé à Laval le 30 mai I945]
2eme partie
La vie paysanne
INTRODUCTION
Les travaux des champs
En
cette fin du XXème siècle, il est difficile
d'imaginer ce qu'était la vie des campagnes avant 1950. L’avènement du tracteur
et de l'électricité a totalement bouleversé le travail des champs, en chassant
vers l'usine nombre de travailleurs de la terre et en mettant fin au règne
millénaire du cheval, tandis que l'automobile révolutionnait le mode des
transports. Les pages qui suivent ne prétendent pas tout dire, mais donneront
une idée de la vie du paysan mayennais.
Jusqu'à
la deuxième guerre mondiale, la grande majorité des paysans du Nord-Mayenne vivaient sur de petites exploitations de 10 à
15 ha, souvent moins. On produisait tout ce dont on avait besoin, cultivant
céréales, pommes de terre, betteraves et choux pour les bestiaux, élevant
chevaux, bovins, cochon, volailles, lapins, souvent quelques moutons... Le
jardin fournissait légumes et fruits.
Labours et semailles
En
septembre, on « dérince » les champs pour
débarrasser les haies des ronces, herbes et fougères qui ont poussé au cours de
l'été. Et en octobre, on « fait la Toussaint »... on sème le blé[15].
Avant
de labourer, on graissera le sol avec le fumier produit à la ferme. Les engrais
chimiques sont encore peu utilisés... force de la Tradition… souvent aussi
manque de trésorerie : on n'aime guère emprunter de l’argent, sauf pour acheter
un champ. Les divers Crédits agricole ou mutuel, sont pratiquement inconnus, on
se méfie des hommes d'argent : la faillite d'une banque régionale, qui avait
essayé, dans les années I925-30, de drainer les économies des fermiers aisés
avait refroidi tout le monde : « La Banque du Poitou... c'est la banque du
Perd-tout » disait-on.
Le
principal engrais reste le fumier produit à la ferme. Il est si précieux que
certains baux spécifient qu'il doit être utilisé pour l'usage de la ferme : défense
d'en vendre.
Pour
charroyer le fumier, le « camion » - c'est ainsi qu'on appelle le
tombereau - est rangé près de la « forme » : deux hommes avec
leur fourche à fumier (quatre dents) le remplissent à pleins bords. Le fumier
bien marné est un excellent engrais, mais il est lourd, il faut un bon attelage
pour mener le chargement jusqu'au champ. Là, le fumier est déchargé en tas plus
ou moins volumineux alignés en « chaînes » qu'il faudra
« égailler » à la fourche, c'est un travail pénible[16]. On ne connaît pas encore
l'épandeur mécanique.
La
charrue a été préparée à l'avance : on a fait reforger les « barres »
et les « couteaux » qui ouvriront le sol avant que les
« épaules » (les versoirs) ne retournent le sillon[17].
Tôt
le matin, le roulier devra être sur pied, pour donner aux chevaux la ration
d'avoine et de foin... Souvent, ils ne seront pas trop de trois ou quatre pour
tirer le brabant, on pourra ainsi labourer plus profond. Tout au long du jour,
stimulés par les claquements du fouet, ils tendront ferme leurs traits; je me
souviens d'un roulier, qui se distinguait dans l'utilisation de son instrument
: c'était « l'gare Fouette ». Dans
l'effort, par les matins froids, les naseaux des bêtes se dilataient, rejetant
jusqu'au sol les volutes blanches de leur haleine...
L'Angelus du soir marquera la fin du travail. En refermant la
barrière du champ, le paysan verra son oeuvre, une fraîche étendue de sillons
symétriquement alignés.
Rentré
à la ferme, l'attelage s'arrête de lui-même à la porte de l'écurie, le roulier
enlève les harnais des bêtes et range les colliers, avant que les chevaux ne
gagnant leur place, où les attend an bon picotin dans « l'auvale » et du foin dans le râtelier. Avant d'aller se
coucher, le roulier repassera à l'écurie pour donner une ration de foin pour la
nuit, s'éclairant à l'aide d'un falot, la bonne vieille lanterne tempête.
De
son côté, la fermière n'a pas chômé; à l'approche de l'hiver, l'herbe se fait
rare, les nuits sont fraîches, et le troupeau des bovins est rentré. S'il n'y a
personne pour le faire, la fermière a passé les betteraves au coupe-racines[18], les a mélangées aux
« pous de bié » (la
balle) provenant du dernier battage. Elle les distribue dans les
« crèches » des vaches, avec les grands paniers de bourdaine que les
hommes ont tressés au cours des veillées. Puis c'est la traite, matin et soir.
On ne commencera pas cette tâche sans avoir disposé sous les laitières une
litière de paille fraîche, pour cacher les bouses, et lavé les pis.
Puis
elle s'assied sur la bancelle à trois pattes, le seau de fer blanc bien calé
entre les genoux, la tête appuyée contre le flanc de la bête; les mains
pressent en cadence d'un rythme rapide les « tétes »
(trayons), d'où jaillit un filet blanc de lait. Souvent, surtout quand il fait
chaud, elle se couvre la tête d'un vieux bonnet pour se garantir des coups de
queue de la vache agacée par les mouches. Le lait recueilli est ensuite passé à
l'écrémeuse, pour en retirer la crème, qui sera barattée à la fin de la
semaine. La fermière ira vendre le beurre au prochain marché, avec les oeufs et
les volailles de son élevage. J'ai souvenir de ce marchand, attendant les
femmes à l'entrée de la place du marché : pour juger de la qualité du beurre,
il en prélevait un échantillon dans la motte avec une cuillère de bois, et le
passait sous son nez pour humer son odeur... et je vois encore sa moustache
bien beurrée !
Le cidre
C'est
encore la boisson principale des campagnes. En décembre, lorsque les pommes, récoltées
depuis plusieurs semaines, ont atteint un degré avancé de maturité, on commence
par installer le moulin à pommes. Chez nous, il était actionné par la machine à
battre, à l'aide d'un cardan branché sur la roue fine de la
« mécanique » après avoir enlevé le pignon du batteur. Il faut aussi
faire tremper le pressoir pendant plusieurs jours, en maintenant, avec de la
cendre, une légère couche d'eau sur son plateau pour le faire gonfler, et
empêcher le pressoir de gâter.
Les
pommes broyées sont versées dans un grand cuvier, près du pressoir. Il s'agit
alors de faire la « motte de cidre ». Le marc frais broyé est étalé
en couches autour de la vis centrale du pressoir, sur une légère couche de
paille de seigle bien droite, disposée en rayons : l'extrémité de la
paille est torsadée autour du plateau, elle retiendra le marc tout en
facilitant l'écoulement du jus dans la rigole ouverte au-dessus du baquet placé
là pour recueillir le cidre. Une motte comprendra une dizaine de
« lits » de marc. On la couvre avec des madriers, sur lesquels
appuiera le mouton descendant autour de la vis du pressoir. Dans un mouvement
de va-et-vient, deux hommes vont manoeuvrer la barre actionnant la couronne du
mouton qui descend lentement en écrasant la motte. Le cidre doux, rouge et
sucré, ruisselle tout autour de la motte dans la rigole, puis dans le baquet,
et on le porte à « seillées » dans les
« busses » (tonneaux) da la cave. On a eu soin, les jours précédents,
de laver les barriques avec de l'eau chaude mélangée de « cristau » pour enlever l'odeur de moisi et faire
enfler le bois : ainsi le fût ne gâtera pas. Pour cela, on a sorti les tonneaux
de la cave et placés sur une échelle à même le sol : après avoir versé deux ou
trois seaux d'eau chaude, on fait rouler la busse sur l'échelle en lui
imprimant un mouvement de va-et-vient. Le cidre pourra alors conserver sa
saveur toute l'année sans tourner à l'aigre. Il sera encore meilleur, si l'on a
soin de le soutirer en le transvasant dans un autre fût pour en ôter la lie qui
s'est déposée au fond du tonneau pendant la fermentation.
On coupe le bois
C'est
un travail à faire tous les neuf ans, comme le précise le bail du fermier. Pendant
les jours froids de janvier et février, il élaguera les « émousses »
et « piéssera » les haies autour de ses
champs, pour qu'elles ne prennent pas trop d'extension, au détriment des
cultures. Pour « piésser », il laissera
seulement de jeunes pousses de bois, de deux ou trois ans; en les coupant
légèrement à cinquante centimètres du sol, il les couchera à l'horizontale sur
le haut du talus, les attachant les unes aux autres ou à l'aide de piquets, avec
une motte de terre sur la cime. De tout le bois coupé, on met à part les
petites branches pour en faire des fagots liés à la hart : c’est un lien fait
d'une jeune tige de chêne longue d'environ 1m50; la cime en est repliée et
torsadée pour faire boucle. Les grosses branches, les triques comme on dit, seront
sciées en bûches, qui alimenteront le feu de cheminée pendant les veillées
d'hiver... Si besoin est, le paysan fera aussi, à la pelle une rigole au pied
du talus pour l'écoulement des pluies.
Avant de faucher, il faut
battre la faux
pour lui donner du mordant
Les foins
Le
printemps est arrivé avec son bel habit vert pomme; on est au mois de mai, la
fenaison va commencer.
Assis
sur le billot où est fixée l'enclume, le paysan bat sa faux, les coups rapides
de son marteau se mêlent, au lever du jour, aux deux notes brèves du chant du
coucou.
Les
hommes vont au pré aux premières heures du jour, chacun portant sa faux sur
l'épaule. Ils n'ont pas oublié de prendre le petit baril de cidre : il faudra
bien se rafraîchir le gosier quand le soleil sera au zénith... A la ceinture du
pantalon, ils ont accroché le « coyer » ou coffin
rempli de vinaigre, dans lequel trempe à moitié la pierre à aiguiser, qui leur servira à redonner du mordant à la
lame de la faux. Ils s'engageront de front, face à l'herbe à couper… lequel
avancera le plus vite dans son andain ?
Dans
les exploitations de moyenne importance, on a fait l'achat d'une faucheuse[19]. Attelés de part et
d'autre de la flèche, deux chevaux la tirent facilement, et la coupe est
beaucoup plus rapide. Le foin fauché, on le laisse sécher une bonne journée, avant
de le « tourner » à la fourche; il est fréquent de voir trois ou
quatre faneurs se suivant dans le pré, chacun retournant son andain; on dit que
le foin est « à la galette »... Il sera ensuite rassemblé, toujours à
la fourche, en gros boudins, d'un bout à l'autre du pré : on le met en « rendes ».
S'il
n'est pas rentré le jour même, ou si l'orage menace, on le mettra en « buttiaux », des tas plus ou moins gros : s'il pleut, le
foin ne s'abîmera pas, et en tout cas les buttiaux bien
rassis seront plus faciles à charger. On ne connaît pas la botteleuse.
Il
ne restera plus qu'à le rentrer. C'est une des tâches les plus pénibles de la
ferme : il n'est pas à la portée de tout le monde de vous monter une chartée bien droite, assez longue jusqu'à couvrir le dos de
la jument limonière et pourtant équilibrée, pas trop large, si le chargement
doit passer par une « ruette » étroite
bordée d'arbres dont les branches risquent de « faire tourner » la chartée la mieux « rôtée ».
A la ferme, il faut décharger dans le grenier à foin, au-dessus de l'étable ou de l'écurie. Un homme de force, sur la voiture, enfourne le foin à fourchées aussi grosses que le permet la « bouette du soldier » (l'ouverture du grenier). Un autre, à l'entrée du grenier, reçoit les fourchées et les transmet à un troisième qui les égaille dans le coin de grenier prévu. Souvent un gamin est chargé de fouler : accroché par les mains aux chevrons du toit, il pousse avec les pieds le foin pour le tasser sous les ardoises. Le travail est épuisant dans la poussière et la chaleur étouffante du grenier. Aussi dans la mesure du possible, on s'arrange pour décharger le matin à la fraîcheur, ou le soir quand le soleil est bas sur l'horizon.
Le ray-grass
Entre
les foins et la moisson, on coupe le ray-grass. Cette graine légère est achetée
un bon prix par les grainetiers; c'est un appoint de recette apprécié à cette
époque où la main-d'oeuvre est abondante et bon marché.
Dans
les champs de trèfle, lors de la première coupe, on a eu soin de conserver un
coin où le ray-grass est plus abondant. Quand il sera mûr, on le fauchera en
javelles comme les céréales, et on le mettra en « bonhommes » ou
« poulettes »... Pour cela, on prend la javelle à pleines mains par
la tête, on l'enroule autour de la jambe, la tête est repliée à l'intérieur et
serrée avec un petit lien formant cravate; le « bonhomme » ainsi lié
reste planté débout.
Quelques
jours après, par une chaude journée, on bat le ray-grass dans le champ : sur un
« cherrier » (un vieux drap) ou mieux sur
une bâche, étendu à même le sol, on bat à grands coups de fourche chaque « bonhomme »,
la paille est secouée pour faire tomber la graine avant d'être rejetée
alentour, formant comme une muraille. Le ray-grass est mis dans de grands sacs;
ramené à la ferme, il sera vanné dans le grenier et passé au crible, avant
d'être livré au marchand. La paille sera conservée comme fourrage d'appoint
pour les chevaux au cours de l'hiver.
La moisson
On
dit aussi « la récolte ». C'est le grand souci de l'été : dans
quelles conditions se fera-t-elle ? De son résultat dépend le pain quotidien.
En
juillet, quand les blés achèvent de dorer au grand soleil, il faut préparer la
moisson.
Le
travail préliminaire était de faire les liens pour nouer les gerbes. Dans ce
but, on avait semé un carré de seigle, qu'on fauchait à peine mûr. Ce seigle
était battu par grosses poignées sur un tonneau, pour ne pas briser la paille, qui
était ensuite « peignée ». Chaque poignée battue était passée sur une
« rabeune » solidement fixée, les dents en
l'air, sur les limons ou brancards de la « grand'chârte »;
on enlevait ainsi les brins froissés ou trop courts. La paille peignée était
rassemblée en une longue gerbe bien droite, un « iais ».
D'un « iais » bien fait on arrivait à
retirer une centaine de liens, en nouant par la tête deux petites poignées de
paille.
Il
fallait aussi « monter la faucheuse » : mettre en place le siège du
javeleur et fixer à la barre de coupe le tablier mobile sur lequel le javeleur,
à l'aide d'un râteau de bois, formerait les javelles, avant de les repousser
sur le sol derrière la faucheuse. Il ne restait plus qu'à passer la scie sur la
meule à affûter.
Enfin,
le matin à la fraîche, le moissonneur « faisait le tour » du champ : avec
sa faux, il fauchait un andain autour de la parcelle à moissonner; à l'aide
d'une faucille cet andain est mis en javelles et lié en gerbes; ainsi la
faucheuse pourra passer sans perdre de grain.
Au
jour prévu, une équipe de travailleurs se rend dans le champ, un poste est
attribué à chacun. Chez nous, le faucheur est seul sur la machine : assis sur
le siège du javeleur, les guides attachés à portée de la main, au sommet du
levier de relevage de la scie, il manoeuvre son râteau pour coucher sur le
tablier le grain coupé et expulser la javelle.
Un
autre moissonneur, souvent un écolier, met le lien : suivant la machine[20], il laisse toutes les
deux javelles un lien de paille bien étendu dans le sillage de la roue. Trois
ou quatre hommes ou femmes relèvent les javelles en les déposant sur le lien.
Si on est assez nombreux, un homme se met à lier les gerbes, travail dur aux
mains et... aux genoux de culotte; souvent, pour cette raison, le lieur noue un
mouchoir à son genou droit. Son travail ne va pas aussi vite que la faucherie, mais c'est une bonne avance, si la moitié des
gerbes est liée lorsque le champ est coupé. Quand on moissonne loin de la ferme,
vers les quatre heures de l'après-midi, on « collationne » sur place.
On cherche un coin abrité du soleil, sous un arbre ou au pied de la haie; à
quelques pas, les chevaux restent attelés, le nez dans la fougère qu'ils
mâchonnent en secouant la tête pour chasser mouches et taons. Les moissonneurs
s'asseyent en rond sur quelques gerbes. Par les jours de grande chaleur, la
ménagère a apporté une « miotée de cidre »
préparée dans une soupière; elle la dépose par terre au milieu du cercle et
chacun avec une cuiller se sert au plat commun. La miotée,
bien que cachée dans la fougère à l'ombre, n'est plus très fraîche, mais
cuillerée après cuillerée, elle rafraîchit les gosiers desséchés par le travail
au grand soleil; après cela les beurrées de pâté, de rilles,
la sardine à l'huile ou le morceau de fromage descendent mieux, à l'aide de
quelques bonnes gorgées de cidre ou d'eau qui manquent aussi de fraîcheur... En
plus de la pose appréciée après deux heures de travail en pleine chaleur, ce
pique-nique avant la lettre (on ne connaissait pas le mot) au grand air avait
le charme de sortir de l'ordinaire...
Les
gerbes liées, il restait à « mettre debout », en rassemblant par
groupes de cinq les gerbes bien assises sur le derrière : c'était un « quignon ».
Pour le coup d'oeil, on avait soin de bien aligner les rangées de quignons : on
pouvait ainsi compter facilement les gerbes et prévoir le nombre de « chartées » qu'on retirera du champ.
Le
blé restait ainsi plusieurs jours à sécher, avant d'être rentré à la ferme, et
mis en tas sous le hangar ou dehors, de façon qu'il soit assez près de la
batteuse au jour voulu.
Les battages
On
disait les « batteries »[21]. Chez nous, dans les
années I920-25, on battait à la « mékenique »,
c'est à dire au manège à chevaux. La nôtre n'avait que le batteur, le grain
restait mélangé à la balle. Il fallait présenter les gerbes par l'épi, et la
paille ressortait brisée sous le tambour.
La
veille, on avait pelé l'herbe jusqu'à plusieurs mètres en avant, pour
recueillir le grain qui serait entraîné avec la paille. A l'aide d'une graisse
noire consistante, contenue dans une boite rectangulaire en bois, le patron
graissait les divers engrenages de la machine : la couronne du pilier du
manège, la grosse roue dentée et son pignon à cliquet, la roue fine qui
actionnait le batteur.
Grand
branle-bas aussi à la maison : il fallait dresser une table assez grande pour
accueillir tous les travailleurs, prévoir le ravitaillement pour les divers
repas : pain, viande de boucherie, volailles à plumer, légumes à éplucher, café
à faire... Le jour de la batterie, les ouvriers passaient cinq fois à table :
le matin, à l'arrivée, pour la soupe et le café; vers 9 heures, on
« faisait les dix heures » : les appétits étaient alors bien
aiguisés par deux heures de travail; à midi, le dîner; à quatre heures, c'était
la « collation », substantielle aussi; à la fin de la journée, le
souper plus frugal : la soupe, une tartine et bien, sûr un dernier café.
Au
jour fixé, plus ou moins tôt selon les fermes, les « batteux »
arrivaient, leur fourche sur l'épaule. Pour aller battre, on mettait toujours
des vêtements de travail propres; en milieu de semaine, pas question d'y aller
avec une culotte et une veste qui avaient été portées plusieurs jours.
Avant
de commencer, le patron de la ferme distribue à chacun son poste, souvent le
même d'une ferme à l'autre. On attelle les chevaux aux « branles » du
manége : des heures durant, ils tourneront d'un pas régulier sous la conduite
du « toucheux » installé au centre du rond,
près du pilier : à l'aide de son fouet, il est chargé d'asticoter les paresseux...
On leur accordait cinq minutes de repos toutes les heures, pendant que les
hommes buvaient un coup de cidre. Pour ne pas fatiguer trop les animaux, les
fermiers voisins amenaient un cheval, de manière à avoir un attelage de
rechange; les chevaux travailleront à tour de rôle par équipes.
Chacun
se met à son poste... Il y a « l'affoureux »,
celui qui engrène, souvent aidé du « démochonneux »
qui lui facilite la tâche, en étalant les gerbes sur la table de la machine; on
évite ainsi de la faire « aboyer » ou même de « l’empanser » avec une trop grosse poignée de gerbe, ce
qui bloque le batteur... et arrête les chevaux. Il faut alors retirer la
portion de gerbe qui n'est pas passée, ce n'est pas à l'honneur de l'affoureux !
Il
y a le « tireu de grain», poste de confiance :
armé d'un râteau à dents de bois « la journée », il retire de dessous
le batteur le grain mélangé aux « pous »
(la balle), et l'entasse dans un coin du hangar; les jours suivants, ce mélange
sera passé au tarare, le « venoué »[22] comme on dit, qui
séparera le blé, pour le monter au grenier, de la balle conservée pour les
bestiaux. De temps à autre, l'affoureux cesse
d'engrener pour permettre de retirer le grain accumulé sous le tambour, à la
sortie de la machine.
La
paille est entraînée par plusieurs femmes, les « épailleuees »;
qui la secouent pour faire tomber le grain restant. C'était souvent une femme
d'âge mûr qui était à la « goule de la
batteuse, poste peu envié, car il fallait être attentif et avaler
beaucoup de poussière. Deux autres épailleuses, des
jeunes, faisaient les « broctées », ces tas
de paille, que les « brocteux » enlevaient
à grosses fourchées : pour se faire valoir au regard des filles, c'était à qui
porterait la plus grosse.
La
paille est portée dans un coin de l'aire et confiée aux soins du « bargeux », celui qui a la responsabilité de monter la
meule de paille, la « barge ». C'est un art difficile. Un bon bargeux monte sa meule bien droit. Quand elle atteint une
certaine hauteur on range la « grand'chârte »
au long, les limons à terre, une planche est posée sur le moulinet avant,
servant à « rôter » les voiturées; on a
ainsi un plan incliné plus facile à gravir qu'une échelle... Il arrivait assez
souvent, surtout lorsque le sol était inégal, que la meule avait tendance à « tourner »,
à pencher dangereusement : on lui mettait alors des « accotas », des
perches qui corrigeaient la mauvaise inclinaison.
La
journée de battage s'achève, on vient de passer la balayure, les épis qui se
sont détachés des gerbes et se sont accumulés auprès de la table de la
batteuse... C'est le bouquet final de poussière, on se voit à peine autour de
la machine.
Si
c'est la première récolte d'un jeune fermier récemment marié, un garçon, après
avoir fait un brin de toilette, offre à la jeune fermière une gerbe de blé fleurie; la patronne la passe dans la batteuse, pendant que
les batteux boivent un coup de vin ou une liqueur.
Puis
tout le monde se retrouve à la maison pour « faire la gerbe ». Ce
dernier repas de la batterie est plus soigné et bien arrosé, on prend son
temps... Au café, les langues s'animent, quelques uns y vont de leur chanson.
D'autres, un peu Marseillais sur les bords, racontent leurs exploits :
« Un sac de grain sur chaque épaule, j'ai monté allègrement au
grenier ». Un autre : « Pour vous monter une belle barge, je ne
crains personne ! ». Le troisième : « Et moi donc ! Vous m'avez vu
toucher les chevaux dans le rond ? Oh ! Ils me connaissent bien. Je n'ai même
pas besoin de fouet ! »... Chacun marque ainsi à sa façon son contentement
d'une journée bien remplie. On verra même tel ou tel, après une mise en selle
laborieuse, s'en aller cramponné au collier de sa jument... Rien à craindre
pour lui : si le cavalier en a « un p'tit coup
dans le nez » la Pâquerette, elle, n'a bu que de l'eau...
Dans
les années 1925-30, se généralise le recours à l'entrepreneur de battages : sa
batteuse à grand travail, une Brouhot ou une Merlin,
est entraînée par la locomobile, la chaudière, qu'on chauffe avec des parpaings
de charbon. L’entrepreneur est toujours pressé, les journées de travail sont
plus longues et, réglementées au sifflet de la locomobile... Le battage est
plus rapide, et quand la batteuse s'arrête, le grain est au grenier. Mais il
faut davantage de personnel, et le fermier passera plusieurs semaines à rendre
les journées de battage à ses voisins. Le matériel est lourd, il faut deux
attelées de trois ou quatre chevaux pour « mener la machine » chez le
client suivant, parfois éloigné de 3 ou 4 kilomètres. Et si leur route les fait
passer devant un bistrot, les deux rouliers ne manqueront pas de s'arrêter, pour
laisser souffler les chevaux... et boire un coup !
On fait la mêlée
Rien
de commun avec le rugby des sportifs...
Pour
nourrir les bovins au cours de l'hiver, on fait de la mêlée, mélange de regain
du pré et de paille d'orge. Peu après le battage, on coupe le regain on le
laisse sécher aux 3/4, et il est mis en « randes »
entre les rendes on égaille de la paille d'orge de la dernière récolte.
Comme
on ne prend qu'une partie de la meule, on la coupe verticalement en se servant d'une
lame de faux manoeuvrée de haut en bas comme une scie à bûches. Dans le pré, on
étend le regain par-dessus la paille, et on fane pour bien mélanger le tout. La
mêlée est ensuite rentrée dans le grenier à foin. On aura ainsi un fourrage
pour l'hiver plus apprécié des animaux. Quand au restant de la barge d'orge,
les bovins le mangeront tel quel.
Le commerce des bestiaux…
A
l'époque, les marchands, de vaches ou de chevaux n'ont pas de bétaillère pour
le transport des animaux.
Quand
un fermier vend une bête, il faut d'ordinaire la livrer au domicile du
marchand. Si celui-ci n'habite pas dans la commune, au jour fixé, il fait
amener à un endroit convenu les diverses bêtes achetées aux alentours. Elles
sont prises en charge par un employé du marchand, le « toucheux
de vaches »; c'est souvent un homme plutôt simplet, peu apte au travail de
la ferme. J'en ai connu un qu'on appelait « le gars berbis ».
Aidé d'un chien de berger, il conduit ainsi au long des routes des troupeaux de
10 à 15 bovins, parfois plus, vers les lieux de foire. Le troupeau est à plein
la route... peu importe, c'est la coutume de toujours, et les autos sont encore
rares et peu rapides.
S'il
s'agit de chevaux, notamment de poulains, on les « accouent »,on les
attache à la queue les uns des autres derrière une jument plus âgée, qui sert
de monture au « commis » du marchand. Sur le chemin de l'école, j'ai
souvent rencontré des convois de 7 ou 8 poulains qui s'en allaient à la foire
du canton.
...et de quelques autres
activités paysannes
Au
cours de l'hiver, au moment le plus opportun quand les cours des céréales
sembleront plus avantageux, on vendra du blé ou de l'orge au grainetier du
canton, qui fournira les sacs nécessaires portant son nom. Ils sont remplis et
pesés au grenier, puis chargés dans la charrette. Au jour fixé pour la livraison,
le fermier part tôt le matin pour la gare distante d'une dizaine de kilomètres :
en décembre et janvier, il fait encore nuit, le convoi est signalé par le
falot, la lanterne tempête accrochée à la « javelle » de la voiture. Comme
il y a toujours plusieurs fermiers à livrer ensemble, il faut parfois attendre
plusieurs heures avant de décharger. Le paysan ne rentrera à la ferme qu'au
cours de l'après-midi, ramenant quelques sacs d'engrais.
De
temps à autre, il faudra aussi aller au moulin mener quelques sacs de
blé, et en ramener la farine à la maison, si on fait encore le pain à la
ferme... Je me souviens de mon père chauffant le four avec des fagots d'épines,
les « bourrées », qu'il enfournait entières... En automne, il faisait
pour chacun de nous un « bourdon » : une grosse pomme qu'il enduisait
d'une bonne couche de pâte, et mettait à cuire avec le pain. C'était une
pâtisserie toute simple... et si bonne ! On s'en régalait.
De
temps en temps aussi, il faudra « faire de l'aplatie » : le
grain, ordinairement de l'orge, était écrasé pour la nourriture des animaux, en
passant entre les deux meules d'acier lisses de l'aplatisseur. Solidement calé
dans l'axe de la « mékenique », celui-ci
restait en place toute l'année, toujours prêt à fonctionner ; il n'était
déplacé qu'à la période des battages, pour permettre à la « mékenique » de remplir sa fonction principale de
battre les moissons.
L'aplatisseur
était actionné par une courroie passant sur la roue fine de la batteuse (on
avait enlevé le petit pignon du batteur) et sur une poulie de bois fixée sur
l'axe d'une des meules. Dès lors, il suffisait d'atteler un cheval sur le
manège pour faire de l'aplatie... L'oncle Bernard, du Moulin du Fay, venait à Dompierre
renouveler sa provision.
Pour
faire le cidre, le manège servait encore pour écraser les pommes, au moyen d'un
cardan reliant l'axe de la roue fine à celui du moulin à pommes...Ce manège de
la batteuse constituait ainsi un excellent moteur...sans carburant. Pour
l'époque, c’était pas si mal !... Et pas de pollution...
Demain, on va « bienner » la rivière
Le
ruisseau qui passe dans la cour de Dompierre est un
bief, la dérivation d'une partie du ruisseau qui passe au bas du bourg. Long d'environ
un kilomètre, il avait été établi au départ d'un pré de la Tourtelaie,
pour alimenter les villages de la Bourdonnaie et Dompierre, avant de renforcer le ruisseau de la Meltière; il aboutissait à une réserve d'eau au Vieil Averton : une petite chute d'eau faisait tourner une
turbine produisant l'électricité qui actionnait la scierie du père Bedeau.
Tous
les ans, entre les foins et les grains, celui-ci mobilisait les fermiers
riverains pour l'entretien du bief. La veille au soir, il détournait le courant,
au départ de la Tourtelaie : il fallait prévoir la
provision d'eau pour la maison, et un petit barrage retenait assez d'eau pour
abreuver les animaux… Au jour dit les hommes marchaient avec leurs pilons dans
le lit du ruisseau, pour le nettoyer : couper les ronces et herbes des rives, enlever
les débris faisant barrage, et colmater les fuites qui pouvaient se produire
dans la levée... sans oublier de ramasser quelques truites prisonnières dans
les flaques... A l'époque, l'eau n'était pas polluée par les engrais, et les
bestiaux étaient peu nombreux.
Pour
Dompierre, ce bief était vital : toute l'année, il
permettait d'abreuver les gens et les bêtes… et les années de sécheresse, il
permettait de faire baigner les 2 prés de la ferme : des rigoles creusées à la
pelle descendaient de biais la pente irriguant tout le haut du pré : on avait
ainsi un regain abondant.
3eme partie
Annexes
GENEALOGIE
Ma famille en 1919
Généalogie Thomas
Renseignements sur deux aïeux devenus moines.
Obtenus auprès de l’abbaye d’Entrammes.
Mes grands-parents maternels,
Famille
PROVOST.
.
Les Clossets,
vers 1900.
Avec, de gauche à droite :
Marthe (Epron), Léontine, Gabrielle (Thomas).
MON ENFANCE
Mes parents
Victor THOMAS 1871-1922 |
Gabrielle PROVOST 1877 - 1946 |
Mon baptême
31 Août 1916
Mes parents et mes frères,
Famille THOMAS, 1919.
Avec mon père Victor (1), ma
mère Gabrielle (2), mes frères Edouard (3), Gabriel (4), Robert (5), André (6),
et moi-même (7)
Maman
(1925 et 1943)
Dompierre, 1927
Robert, Maman, Edouard
et Touraine (la chienne) qui lorgne vers le lapin à sa
fenêtre.
A gauche, le ruisseau, longeant
la cour sur 80 mètres, source de vie pour la ferme… et compagnon de jeu des
gamins.
Dompierre insolite, 1935
Vue d’un étang… Qui n’existe pas !
(photo Gabriel)
Repas du dimanche
De gauche à droite :
Fernand Brisard, Edouard,
Maman, Gabriel, Marcel.
Commis de ferme, Fernand remplaçait André l’année du
service militaire. A tour de rôle, les hommes assuraient l’entretien des
animaux le dimanche : « On était de garde » !
Schématiquement,
la cuisine vers 1925
La trappe du grenier était assez large pour permettre
le passage du « venoué »
Les paroisses à 20 Kms à la ronde venaient en
pèlerinage à Notre Dame du Chêne au cours du mois de mai
Mariage de Louis JULIENNE (de Douillet le Joly) et Yvonne LEROY (de la Haie),
Eglise de Courcité,
le 2 Mai 1922.
La mère de la mariée (née
Eugénie Provost) était cousine de maman et marraine
de Gabriel.
Un mariage « huppé »,
remarquez :
Tous les hommes arborent la
moustache,
La dimension des chapeaux
féminins,
Tous les enfants portent le
chapeau,
Quelques anciennes portent la
coiffe sarthoise.
Mon premier voyage en
auto : après le repas, les cars Montaville
(Sillé) nous emmènent à St Léonard des bois.
Retrouvez sur la photo :
1 : Papa
2 : Maman
3 : Moi-même
4 : André
Mon premier voyage
à Laval,
Pour l’attribution d’un prix à Gabriel.
Les personnalités se tenaient sur la scène, ou un
professeur lisait le palmarès.
Les élèves sur les bancs,
Les familles sur les chaises en arrière de la
balustrade
Le Séminaire tel qu’il était avant sa vente à la ville
(1980) et sa démolition pour faire place à des HLM. J’occupais au premier étage
la chambre à gauche en bordure du feuillage (1934-37).
Bosquet dit « La fosse aux lions » Les stalles ont été
en partie
transférées à l’église de la Coutellerie,
A Bazougers.
Mes années au
grand séminaire St Thuribe,
à
Laval (1934-37)
L’armée
1938
LE GRAND SEMINAIRE
Monastère des
trappistines, Laval.
1940 - 1945
Vue d’ensemble
Vue
Sud Est
Pendant la guerre, comme les allemands occupaient
grand Séminaire, Mgr Richaud avait obtenu de Rome
l'autorisation de nous installer à l'intérieur du monastère.
Le Séminaire occupait 3 niveaux, (entre les deux clochetons
fléchés en blanc). Le dortoir était au-dessus de la fromagerie (à gauche en
arrière).
Père Antoine LANDRAGIN
(1874-1968)
aumônier
depuis 1929
Mère Marie de la Croix
née
Léontine THOMAS
(1882
-I 943)
Ma cellule,
Elle mesurait deux mètres par deux.
Le préau
On
passe vite
pour
éviter une rencontre
Le dortoir,
Ma cellule est au fond à droite
La sépulture
Inhumation sans cercueil
Les foins au cimetière
La chanson du
déporté libéré
dédiée
aux déportés du travail
composée
et créée en juin 1943, au grand séminaire de Laval.
Se
rappeler la situation, en 1943.
C'est
l'occupation depuis 5 ans. L'Allemagne nazie bat de l'aile :
En
février: défaite de Stalingrad
En
mai: les Allemands chassés de Tunisie
En
juillet: débarquement allié en Sicile.
Pour
sauver la face, la propagande du Dr Goebels parle à
la radio de « front élastique » et de « 'verrous » (point
de résistance).
En
février, Hitler institue le S.T.O. (Service du
Travail Obligatoire). Les jeunes des pays occupés iront travailler sur les
côtes édifier « le mur de l'Atlantique » ou dans les usines en
Allemagne.
Pour
y échapper, certains se cachent : on les appelle « les camouflés ». Pour
éviter des représailles sur leur famille, d'autres sont obligés de partir.
Charles
Goujard imagine un gars mayennais qui n'avait point
sorti de sa campagne, n'ayant pas fait de service militaire, racontant son
aventure.
Les
deux derniers couplets ont été ajoutés après la guerre.
(chantée par Fernand Favrolt, la
veille des vacances, au cours d'une veillée dans le jardin des Trappistines).
- 2 -
I mont baillé des godillots,
Un bleu en fait d'costume,
I faut mett'ça pour
le boulot,
pararait qu'c'est la coutume,
Et un billet d'mill'francs
Pour me payer ben d'l'agrément !
- 3 -
I m'ont emm'né ben
loin,dit-on,
De l'aut'côté d'Ta terre;
Fallut passer sur un grand pont,
Dessus un'grand'riviere;
J’arrivions
dans un pays
Que j'appelions la
Germanie!
- 4 -
Y'en avaient dedans leux
bureaux
Avec de bell'casquettes;
D'aut'qu'avaient des espèc'de pots
Renversés su leux têtes,
Et pis des p'tits coutiaux
Qui leu pendaient au bas du dos !
- 5 -
I m'emm'nir' dans un'
grand'maison,
Qu'j'appelions une usine :
Y'avait des rou'et
des pistons,
Des machins, des machines.
Da voyant c'fourbi là,
Je m’écriais: « De qu'c'est_i_qu-cà
? »
- 6 -
Quand not' travail était fini
Pour se r'poser les côtes,
On avait des espèc'
de lits
Empilés l'z'uns su l'z'autes;
J'avais la chair de poule;
Que l'sien d'en haut m'tomb' su la goule !
- 7 -
Çà m'donnait des palpitations,
Des vertig' dans la tête;
Mais l'pu biau d'tout' leux
inventions
Pour compléter la fête
C'est leux chambardements
Qu'j'appelions des bombardements!
- 8 -
Il éclatait, i détonnait
Les milliass’ de mitrailles :
Cà vous remuait, ça vous r’tournait
Jusqu'au fond des entrailles.
La premièr' fois, j'croyais;
Qu'i fêtaient leu Quatorze Juillet !
- 9 -
Des gars qu'on app'lait
les Nazis,
Pour nous fair' prendr' patience,
Disaient: "Nous r'culons,
p'têt bon qu'oui
Ça n'a pas d'importance:
Nos généraux fabriq'
Des verrous et des élastiqu'!
Ma messe solennelle
Eglise de Courcité,
3 Mai 1943
COLLEGE SAINT MICHEL
Château-Gontier, 1943
- 1951
UN FAIT "D'HIVER" DRAMATIQUE
L’histoire de la chansonnette se passe au collège St Michel
de Château-Gontier, le 15 Janvier 45.
- 1 -
Ecoutez un vieux drame,
Mironton, mironton, mirontaine
Ecoutez un vieux drame,
Qui ne finit pas mal. (Bis ou ter)
- 2 -
Un bien brave homme, oui dame, mironton...
Un bien brave homme, oui dame,
Est l'acteur principal. (Bis)
- 3 -
La scène est au collège, mironton...
La scène est au collège,
Dans une chambre en haut. (Bis)
- 4 -
Par le froid et la neige, mironton...
Par le froid et la neige,
Janvier n'est pas très chaud. (Bis)
- 5 -
Le Père Thomas allume, mironton...
Le Père Thomas allume
Son poêle vitement. (Bis)
- 6 -
Puis le soir, il se plume, mironton...
Puis le soir, il se plume,
Et s'endort sans tourment. (Bis)
- 7 -
La longue nuit se passe, mironton...
La longue nuit se passe,
Et voici le matin. (Bis)
- 8 -
Seul, pour la messe basse, mironton...
Seul, pour la messe basse,
Accourt le sacristain (Bis)
-9 -
On va voir à la porte, mironton...
On va voir à la porte,
Où l'on entend ronfler. (Bis)
- 10 -
Qui ronfle de la sorte ? mironton...
Qui ronfle de la sorte ?
Le poêle ou le poêlier ? (Bis)
- 11 -
Le Père Vuillard hèle, mironton...
Le Père Vuillard hèle
Le dormeur qui dort trop. (Bis)
-12 -
Puis il grimpe une échelle, mironton...
Puis il grimpe une échelle,
Puis il casse un carreau. (Bis)
- 13 -
Horreur ! par la
fenêtre,mironton...
Horreur ! par la fenêtre,
Il le voit' moitié mort. (Bis)
- 14 -
Le carbonique 'est traître, mironton...
Le carbonique est traître,
Mais l'Archange est plue fort. (Bis)
- 15 -
Le cadavre à l'hospice, mironton...
Le cadavre à l'hospice
Est d'urgence emporté. (Bis)
-16 -
L'oxygène propice, mironton...
L’oxygène propice
Nous l'a ressuscité. (Bis)
-17 -
Il devait le bravé homme-, mironton...
Il devait la brave: homme
Mourir d'un coup de feu. (Bis)
- 18 -
C'est un veinard en somme, mironton...
C’est un veinard en somme,
Merci ! Merci ! Mon Dieu. (Bis)
- 19 -
Son grand patron l'apôtre, mironton...
Son grand patron l'apôtre
Lui préparait le ciel. (Bis)
- 20 -
Il dit : « J'aime mieux l'autre », mironton.
Il dit : « J'aime mieux l'autre,
Celui de St Michel » (Bis)
(chansonnette du Père Paul, supérieur de St Michel, écrite
en I950 à la demande du Père Jolbert, pour une petite
veillée des pensionnaires de la division des Moyens,lors de l'anniversaire).
LES PRISONNIERS
Modèle de
correspondance des prisonniers de guerre
Ils avaient droit à deux lettres et une carte ou colis
par mois.
Ils utilisaient uniquement les imprimés fournis par
l'administration du camp. Chaque lettre comportait un double volet : le premier
pour l'envoi (ci-dessus); le second pour la réponse. L’adresse du destinataire
était inscrite par le prisonnier sur les 2 volets... Les lettres, n'étant pas
cachetées, le contenu en était contrôlé par un censeur : c'est son cachet que
l'on voit sur cette lettre en haut, à gauche.
Gabriel avec des
officiers prisonniers
(Gabriel assis assis centre,
les bras croisés)
Offlag II
B Arnswalde
SE de Stettin
(1170 Kms au Nord Est de Berlin)
Edouard libéré le
18 Mai 1945
LA VIE DES CHAMPS
L’indispensable
compagnon de travail
Semailles à Dompierre
(Photo Gabriel)
Epandage du fumier
A l’aide d’un croc à long manche, André fait tomber le
fumier du tombereau, dont la caisse est de plus en plus inclinée.
Epandage du
fumier…
Entre les pattes des chevaux, on voit les tas de
fumier qu’il reste à étendre à la fourche.
… Et labour
Il faut du temps… et de la main d’œuvre.
Le
coupe racine
Edouard fane dans
le grand pré.
Vers 1930, on fait l’acquisition d’une faneuse.
A grandes enjambées, la jument a vite fait de
retourner le foin… Et sans fatigue pour le faneur.
André et Edouard
rentrent la « barge » de foin.
Si la récolte de foin est abondante, on ne peut tout
loger dans le « soldier ». Le surplus est
alors entassé dans une « barge », montée dans l’aire, près du
ruisseau. Bien couvert de paille, le foin ne s’abîme pas… Au cours de l’hiver,
quand le grenier sera vide, on profitera d’une belle journée pour rentrer le
foin.
Le foin bottelé est plus facile à charger dans la
« grande chârte ».
Edouard moissonne
aux Fontennelles,
avec la
petite faucheuse.
Gaston Thomas met le lien.
Edouard moissonne
aux Fontennelles,
avec la
petite faucheuse.
Gaston Thomas met le lien.
Robert moissonne à
la Haute Coutelle.
Avec la moissonneuse-lieuse.
A Noter : L’effort généreux des chevaux pour
gravir le raidillon.
Au retour du
travail
Les chevaux attendent sagement d’être dételés
(débarrassés des harnais) avant de rentrer dans l’écurie)
La Rabenne
Pour ratisser le foin.
La Rateleuse
Le premier outil (après la faucheuse) acheté à Dompierre vers 1930… Elle remplace avantageusement
« la rabenne » tirée à bras d’homme
Le venoué pour la séparation du grain et des pous
(Photo de presse)
Elaguage
A califourchon sur le tronc, André élague un peuplier
déraciné par la tempête, avant de l’abattre.
Le battage
Quelques remarques sur ce dessin.
A Dompierre, la batteuse (on
disait : la mékenique) comportait uniquement le
batteur… La roue qui l’actionnait directement (la roue fine) était de même
diamètre que la grosse roue dentée, assurant ainsi une rotation plus rapide du
batteur.
A la sortie du batteur, la paille était secouée pour
en retirer le grain restant, par des femmes : les épailleuses.
(Il n’y avait pas d’épailleuse mécanique comme sur ce
dessin).
La batteuse et la
locomobile encadrent respectueusement l’antique manège à chevaux.
La dernière
« broctée » qui coiffe la barge.
La dernière
« broctée » qui coiffe la barge.
La barge finie, le
bargeux la peigne avec une longue perche. (M. Alb.Brisard)
Le porteur de
grain (Camille Desnos) va porter
son sac au grenier.
Monsieur Manson
Revenu de Paris, il vivait avec sa femme au vieil Averton, où il possédait un petit bien. Sans être
prétentieux, il parlait bon français : « Il parluise »
disait-on avec étonnement.
L’affoureux
Il s’appelait Isaïe Yvard :
c’était « gars Zaïe ». Célibataire, il
vivait avec sa sœur sur une petite ferme, au Vieil Averton.
Le mécanicien
Marcel Bignon, et le porteur de « pous »
André.
Parfois, la paille est bottelée à la main.
La
« chaudière » boit beaucoup…
Le ruisseau pour
l’abreuver n’est pas loin.
Sur la machine :
les
enfants Bruneau : Marie-Josèphe (a), Solange
(b), Geneviève (c), Gérard (d)
Debout, de gauche à droite :
La mère Cosnard (e), Mme
Desnos (f), sa sœur (g), X ? (g), Jules Juigné
(i), Yvonne Baudouin (j), Mme Lefèvre (l), Vitaline
(n) avec sa gerbe de fleur et son bouquet à la main, André (o), Fernand Robert
(q) cachant le père Juigné (p), Albert Bruneau (u),
devant lui ses parents (r et t) cachés derrières le fils Baudoin
(s), M.Manson (v), le père Prosper Pinson (w).
Couché en avant :
Buchot le
commis du Haut Averton (x), Henri Bruneau (y), le
père Baudoin (z), Marcel André (ç).
La
« Gerbe » : Dompierre, 1941
Le battage
terminé, la machine s’en va vers le prochain client …
… Et la locomobile
suit.
Derrière, avec sa bicyclette, le « chauffeur » :
Mme Bignon, épouse de l’entrepreneur.
An 2000 : La
moissonneuse batteuse.
La machine à fabriquer des chômeurs, en supprimant le
travail de la moisson et des battages.
Sous le
hangar : l’aplatisseur en place près de la batteuse, prêt à être actionné
par le manège.
(Photo Gabriel, prise au soleil du matin)
Dompierre,
au soleil de l’après-midi – 1936
(Photo Gabriel)
Dompierre
– 2000
La ferme est devenue une résidence.
TABLE DES MATIÈRES
1ère partie: Racines familiales
Mes grands-parents................................................ 5
La vie à Dompierre ............................................... 11
Mes années d'école .............................................. 17
L'électricité .......................................................... 21
La vie à la ferme ................................................... 23
La chapelle du Chêne ........................................... 29
Mon premier voyage à Laval ................................ 33
Ma première messe ............................................. 37
Ma première messe solennelle.............................. 39
Le retour de Gabriel ............................................. 41
2ème partie: La vie paysanne
Les travaux des champs....................................... 45
Labours et semailles ............................................ 47
Le cidre ............................................................... 51
On coupe le bois................................................... 53
Les foins .............................................................. 55
Le ray-grass ........................................................ 57
La moisson .......................................................... 59
Les battages ......................................................... 63
On fait « la mêlée »............................................... 69
Le commerce des bestiaux................................... 71
...et autres activités ............................................. 73
On va « bienner »................................................. 75
Documents annexes
Généalogie........................................................... 79
Arbre de la famille Thomas, Photo de mes grands-parents
Provost
Mon enfance......................................................... 85
Photos de famille, photos de mariage, plan de la maison…
Le Grand Séminaire.............................................. 99
Photos, La chanson du déporté libéré
Le collège St Michel............................................ 115
Fait d’ « hiver »
Les prisonniers................................................... 121
Lettre, photos
La vie des champs.............................................. 127
Dessins, photos
[1] Photo p.84
[2] Voir document p.83
[3] Arbre généalogique p.81
[4] Photo p.102
[5] Schéma de la cuisine p.93
[6] Arbre généalogique p.81
[7] Photo de la « mékénique » p.148 et 156
[8] Photo de l’église p.94
[9] Photo de l’institution de l’Immaculée Conception p.96
[10] Photo p.102
[11] Photo de Maman en 1943 p.89
[12] Photo de l’église décorée p.113
[13] Lettre et photo de Gabriel prisonnier p.122 à 124
[14] Document p.125
[15] Photo des semailles p.129
[16] Photo André épand le fumier p.130
[17] Photo Labour p.131
[18] Photo Le coupe racine p.132
[19] Edouard et la faucheuse p.136
[20] Photo : Edouard moissonne et Gaston Thomas met le lien p.137
[21] Photo des battages de 144 à 157
[22] Photo d’un « venoué » p.142